Wajdi MOUAWAD
Wajdi Mouawad, un enfant dans la guerre, exilé sans frontières.
Wajdi Mouawad voit le jour le 6 octobre 1968 dans un village du Chouf, au Liban, situé à vingt kilomètres de Beyrouth, dans une famille chrétienne maronite. Il y vit une première enfance marquée par la guerre et l’usage précoce des armes à feu. « Enfant, il guettait le passage des miliciens pour s’occuper de leurs armes et se faire un peu d’argent de poche. Enfant, il rêvait du jour où il aurait sa propre kalachnikov » ( Mouawad, 2011- le poisson soi ) . Il n’est pas le seul enfant libanais de sa génération à être un jeune servant à la solde des miliciens. Il a huit ans lorsque ses parents décident de fuir cette guerre dont nul n’entrevoit l’issue et de quitter le Liban.
« Que serais-je devenu si j’étais resté au Liban ? Ma famille et moi étions partis avant le massacre de Sabra et Chatilla en 1982, commis par les milices chrétiennes auxquelles j’avais rêvé d’appartenir dans mon enfance. Aurais-je été parmi eux ? Je ne peux pas présumer de moi. »
Cette interrogation, ô combien terrible, nous ouvre les portes de la fiction d’Incendies.
Mais suivons-le encore un instant sur le chemin de l’exil qui le mène en France d’abord, à Paris où la famille s’établit pendant quelques années avant de partir en 1983 pour la province du Québec, au Canada. Ce deuxième exil constitue pour l’adolescent une blessure, peut-être encore plus douloureuse que celle reçue enfant, en quittant le pays natal. La figure de l’adolescent et le motif du voyage, très prégnants dans son théâtre, trouvent sans doute dans cette expérience de l’arrachement son origine.
Le Québec, cependant, se révèle une terre propice à son développement artistique : il reçoit à Montréal une formation théâtrale et culturelle, qui lui permet, selon ses propres morts, de « prendre la parole.». Inscrit à l’Ecole nationale de Théâtre au Canada, il en sort diplômé en interprétation en 1991 et débute aussitôt sa carrière. Il écrit sa première pièce à 20 ans, fonde et dirige sa première Compagnie et débute à Montréal une carrière de metteur en scène. Auteur d’une dizaine de pièces, c’est avec la Tétralogie Le sang de Promesses, créée en 2009, qu’il acquiert la reconnaissance artistique et une renommée internationale qui lui offrent, entre autres, la possibilité de revenir en France. Dès lors, à la tête d’une double compagnie, québécoise et française, il ne cesse d’élargir son espace de création. Dans le souci constant de questionner, de comprendre, d’articuler travail artistique et travail de pensée, Wajdi Mouawad incarne de plus en plus la figure de l’artiste et de l’intellectuel qui fait de lui un « déchiffreur du monde ».
Wajdi Mouawad est l’actuel directeur du Théâtre de la Colline, à Paris.