Note d’intention
Les « Métamorphoses » d’Ovide hantent mon imaginaire depuis l’enfance : quel est donc le pouvoir d’enchantement de ces récits pour traverser ainsi une vie entière et s’imposer toujours avec la même prégnance ?
Depuis trois ans que le spectacle est en chantier, il en est à sa quatrième réécriture ; quatre strates successives pour atteindre la profondeur et l’épure dont je rêvais.
Les mythes : la première version, en hommage aux origines du théâtre, emboîtait la représentation des mythes dans la narration du conteur – coryphée d’un moderne « chariot de Thespis » auquel il manquait un ancrage concret, sans lequel le merveilleux ne peut advenir.
La forme : la deuxième version, en ancrant les mythes dans l’Histoire, celle de la guerre franco-prussienne de 1870 et de l’annexion de l’Alsace au Reich germanique, a donné au spectacle sa forme dramatique et sa chair : elle transporte le spectateur dans « l’atelier de couture et de réparation des costumes et accessoires » du théâtre de Strasbourg où quatre ouvrières, encore profondément marquées par les épreuves traversées lors du siège de la ville, recourent à la force suggestive des mythes lorsque la colère ou le chagrin les submergent.
Le sens : la troisième a contribué à orienter le sens du spectacle vers la haute fonction que nous attribuons au théâtre : une catharsis. Nous y voyons des êtres meurtris par leur arrogance et leur cruauté que sauvent la foi dans l’amour et le rêve de beauté : en cela il est thérapeutique.
L’harmonie : Passant de 4 à 3 personnages, la dernière réécriture a, comme par magie, aligné tous les éléments du spectacle pour construire la figure si féconde du triangle : 3 personnages, 3 âges de la vie, 3 sensibilités, 3 histoires, 3 régions, l’Alsace tiraillée entre l’Allemagne et la France, 3 mythes. Deux points opposés et une médiane : Le sauvage, le sacré et l’humanité.
Fait remarquable : Les MYTHES eux, n’ont pas bougé, malgré toutes les transformations de la mise en scène et de l’écriture du spectacle ; ils sont restés inchangés, depuis le départ, « le chariot de Thestis », ils ont gardé la même forme et la même structure narrative.
Qu’est-ce à dire ?
Quelles que soient la langue, la culture ou l’époque, quelles que soient l’émotion et l’intention avec lesquelles ils sont narrés, les mythes sont intemporels et universels : ils nous parlent de nous et de notre rapport au monde.
Et que nous disent-ils ?
Que l’homme par sa violence et son arrogance est capable de destruction, mais que par sa capacité à imaginer et à aimer, il est capable de rédemption.
C’est du moins ainsi que nous avons interprété ces mythes et c’est ce que nous avons voulu raconter de nous, de notre temps, de nos craintes et de nos espoirs à travers eux.
Christa Wolff
(Novembre 2021)
L’Histoire
Dans les combles du Théâtre impérial de Strasbourg, trois ouvrières réparent les accessoires et raccommodent des costumes de scène.
Il y a Léna, la vieille alsacienne qui travaille dans cet atelier depuis plus de quarante ans ; Madame Odile, la cheffe, férue d’opéra et Anna, la jeune allemande qui rêve de devenir danseuse. Elle a, sans en avoir conscience, l’arrogance des vainqueurs et la cruauté de la jeunesse : ce sont autant de couleuvres que la vieille Léna a bien du mal à avaler. Car nous sommes en 1873, deux ans à peine après l’annexion de l’Alsace au IIéme Reich allemand : les souffrances de la guerre et l’humiliation des vaincus sont des plaies encore vives gravées dans les cœurs. Alors, lorsque la colère ou le chagrin débordent, elles empoignent ce qu’elles ont sous la main, des costumes ou des marionnettes, et incarnent les Princesses et les Héros de la mythologie grecque, ces personnages légendaires dont la métamorphose tragique leur sert à la fois d’exutoire et de consolation.
Dans l’atelier, la Métamorphose opèrera aussi pour les 3 femmes. Les liens tissés pendant cette journée, les carapaces fissurées, les mythes qu’elles incarnent et la force du théâtre les bouleverseront radicalement. A la tombée de la nuit, aucune ne sortira de l’atelier de la même façon qu’elle y est entrée, le matin.
Les acteurs
Le Sauvage et le Sacré est une création collective
du Théâtre des Enfants du Soleil/THENSO
Cette histoire est jouée par Camille Fougereau (Anna), Anne-Sophie Lergenmuller (Madame Odile), Christa Wolff (Léna)
et Marie Gautron (Madame Rose, dans les versions antérieures)
la mise en scène est de Christa Wolff, accompagnée par Vincent Mangado, comédien au Théâtre du Soleil.
Les marionnettes ont été fabriquées sous la houlette de Jaime Olivares et la comédienne et marionnettiste Dorine Cochenet ena guidé la manipulation.
La magie des lumières a été créée par Pascal Mazeau qui fait la régie du spectacle
La chanson d’Icare a été écrite et composée par Nicole Costantino.
Le graphisme des affiches est l’œuvre de Martin Hinze.
Le film du spectacle a été réalisé et monté par Yannis Lehuede
Dominique Wolff est aux images et à la communication.
Durée du spectacle : 1h25 (sans entracte)
Le spectacle est joué en langue française … avec quelques expressions, injures et remarques joyeuses ou perfides en allemand et en alsacien.
Les musiques sont de :
AUBRY : Sirtaki à Helsinki, DELIBES : Lakmé, « le duo des fleurs », ELGAR : Pomp and Circonstance (March n°1), GLASS : Nagoygatsi et The poet act, GOUNOD : FAUST, ballet music, JENKINS : Palladio, MOZART : Requiem in D Minor, K 626 – I. Introit. Requiem aeternam – II. Kyrie Eleison, STRAVINSKY : le sacre du printemps, WAGNER : Le Vaisseau fantôme – prélude et la Walkyrie – la Chevauchée des Walkyrie.
Les trois ouvrières dans leur atelier de réparation et de couture des costumes et accessoires de scène.










Le mythe de Minos

















Le mythe d’Acteon






Le mythe d’Orphée






Dernières Nouvelles d’Alsace – 25 février 2022
